Notre SCRUM au sein d’une organisation libérée
Peux-tu nous dire quelques mots sur l'organisation de travail de l'équipe projet ?
J’ai travaillé avec de nombreuses équipes et pourtant notre organisation comporte plusieurs nouveautés pour moi.
Tout d’abord, la totalité des développeurs du projet, moi y compris, sommes freelance. Quoi de plus logique pour un jobboard faisant la part belle au statut d’indépendant. On peut dire qu’Olivier Martin, le CEO, est cohérent avec ses convictions.
Nous sommes ensuite proche du 100% télétravail puisque nous ne nous retrouvons qu’1 fois par semaine à Paris pour un atelier de partage de connaissance qui est également un prétexte pour un déjeuner de cohésion d’entreprise. Certains viennent de loin (Haja de Marseille par exemple).
Le travail se fait en confiance, les collaborateurs internes comme les intervenants externes sont très autonomes et tous indifféremment sont encouragés à s’impliquer dans la vie de l’entreprise.
Cette organisation est bien sûr liée à la pandémie, mais reflète surtout la conception du travail libéré promue par Olivier. Cela crée un quotidien libéré de nombreuses contraintes. D’une part cela se ressent sur la bonne humeur générale, mais c'est également propice à une efficacité que j’ai rarement vue.
Cette organisation est-elle récente ?
Oui, il faut noter que cela n’a pas toujours était le cas et que l’absence d’organisation ne fonctionne pas. Je suis le CTO et j’ai intégré le projet plusieurs mois après son démarrage à la demande de l’équipe et d’Olivier pour amener de l’organisation.
L’équipe s’était lancée dans le projet sans se préoccuper d’organisation et elle se retrouvait quelques mois après dans une véritable impasse ayant aboutie au départ d’un développeur.
Pourtant trouver un fonctionnement optimal a été rapide, moins de 3 semaines.
Avant de nous l'expliquer, peux-tu nous expliquer le contexte ?
Nous avons fait le choix d’une équipe resserrée d’experts (même jeune comme Haja et Brandon) plutôt qu’une équipe plus large et polyvalente. Le niveau est très pointu. C’est un régal pour chacun d’entre nous que d’apprendre au contact des autres. Les développeurs sont passionnés de technique et absolument pas dogmatique sur une quelconque méthodologie. Cela a permis de mettre en place une organisation rapidement, en se focalisant sur l’essentiel. Et au quotidien nous passons du temps pour avancer sur le projet, pas pour discuter de l’organisation. C’est appréciable …
Nous avons un projet de 400j de développement environ. Cela aurait facilement pu être le double avec une équipe moins pointue.
Alors, quelle organisation a été mise en place pour que l'équipe soit efficace alors qu’elle travaille physiquement rarement ensemble ?
L'organisation a été pensée pour solutionner un certain nombre de difficultés que l’équipe rencontrait :
La concentration : la première décision a été de dédier des personnes au projet de refonte et d’autres au legacy. Ce n’était pas le cas au démarrage et les urgences du legacy perturbaient beaucoup tout le monde.
Nous avons alloué une « Capacité à Faire » selon les sujets. Cela a la vertu de matérialiser immédiatement les charges de chacun d’eux. Brandon et Elise se chargent du legacy et nous les remercions tous les jours par la sérénité que cela amène au projet.
La controverse fertile : chaque membre de l’équipe peut apporter sa réflexion sur tous les sujets : la stratégie du site, la stratégie du projet, la conception du produit, l’UX, l’architecture, les choix de conception technique … Cela permet de renforcer l’implication de chacun et de bénéficier de toutes les expériences. Attention, cela ne veut surtout pas dire que tout est remis en cause sans fin. Il faut dépasser l’affect de vouloir avoir raison et ramener les débats à des éléments chiffrés et factuels. Enfin, dans un débat il faut savoir laisser la décision finale au responsable du sujet.
La capacité d’entériner les décisions (et s’en souvenir) : pour avancer et ne pas revenir sans cesse sur les mêmes sujets.
Un bon dialogue direction / équipe : être transparent. Et paradoxalement cela a été obtenu en insérant un intermédiaire pédagogue.
C’est mon rôle et c’est un classique : tout le monde a la même envie que l’entreprise réussisse mais chacun apprécie différemment l’importance des sujets : qualité de l’interface, sécurité, qualité de code, performance, la richesse produit … En pratique, j’aborde les mêmes sujets avec l’équipe qu’avec Olivier, mais probablement en des termes différents.
Voici un un exemple : bien après le démarrage des développements, l’équipe a remis en cause l’UX et UI déjà réalisés. Pas évident, car un travail important avait déjà été investi et le timing était de plus en plus serré. Nous avons fini par décider de reprendre ces 2 points et seul un dialogue en confiance pouvait le permettre. Maintenant voyant le nouveau résultat obtenu, nous sommes tous d’accord pour dire que c’était la bonne décision.
La conception métier finalisée avant les développements : sachant que le développement coûte 4 fois plus cher que la conception, il vaudrait mieux que la conception soit bien stabilisée avant le développement. Sur notre projet, ayant relancé une nouvelle conception UX et UI en plein dev, Charlène a passé une période difficile afin d’être prête pour chacun des ateliers de revue produit.
Travailler en confiance : C’est d’autant plus sensible en télétravail. Il y a d’abord la confiance entre les personnes, le management, qui dans un contexte professionnel provient de notre fiabilité, c’est-à-dire de notre capacité à réaliser ce que l’on a annoncé.
Il y a également la confiance dans le projet, qui est essentielle pour la motivation. Elle s’acquiert en matérialisant la ligne d’arrivée et en suivant la progression.
Ces 2 notions de confiance nécessitent de mettre en place les outils du pilotage et de la prédictibilité du projet. Je pense que je ferais un article spécial dessus. Car le sujet des estimations est tellement controversé de nos jours qu’il y a beaucoup à dire.
Définir quelques sujets essentiels au travail en équipe : par exemple la Definition of Done, la Definition of Ready ou encore disposer d’outils de communication efficaces pour le télétravail. Nous utilisons principalement Slack, Figma, Clickup, les GoogleApps, Gitlab.
J’en profite pour toucher un mot sur le télétravail qui est une composante importante de notre productivité. En télétravail, faire un point rapide peut immédiatement s’organiser. L’écran est partagé, pour du code, pour des schémas griffonnés sur écran tactile, pour les board du daily...
On ne dérange personne d’autre et se réunir à 10 est aussi rapide et pratique qu’à 2. Et plus de retardataires pour cause de transport.. Pour avoir beaucoup travaillé en openspace et d’autant plus à Paris, j’ai souvent pâti de problèmes de locaux qui sont un frein important. Ne pas déranger ses voisins nécessitait de s’isoler dans des salles de réunion rarement disponibles et les réserver pouvait même repousser un point urgent de plusieurs jours.
C’est "assez drôle". En tant que manager, j’ai passé mes 20 premières années à batailler contre des locaux qui étaient un frein pour l’équipe et pourtant je limitais le télétravail. Maintenant je vais au contraire le promouvoir ! Il m’aura fallu du temps pour changer d’avis et surtout d’être contraint par la pandémie pour trouver de nouvelles pratiques pour que cela soit efficace.
Finalement qu'elle est l'organisation mise en place pour l'équipe ?
En conclusion, pour adresser toutes ces thématiques, nous avons déployé Scrum sans être ni exhaustif, ni dogmatique. Nous avons obtenu une organisation que nous trouvons pragmatique pour la taille et l'expérience de notre équipe :
Des sprint de 2 semaines, du jeudi au mercredi que nous n’hésitons pas à étendre à 3 semaines selon les congés et absences. Le dynamisme apporté par le sprint est une clef pour garder la motivation sur le projet.
Seulement 2 dailies par semaine dont 1 qui s’étend sur 30 minutes pour aborder aussi les actualités du legacy et les news de l’entreprise. La fréquence a fait débat mais finalement nous n'avons jamais eu de couac lié à cela.
1 atelier de revue de conception produit par semaine. C’est aussi l’occasion de repasser sur le backlog.
Et les ateliers d’organisation de sprint et vie de l'équipe : La démo de 30 minutes, le bilan de sprint (sprint review), la préparation du sprint suivant (sprint planning). Tout cela en 1/2 journée.
Ce qui donne cela :
Le daily du mercredi, veille de fin de sprint est important pour nous synchroniser sur la finalisation.
Par sprint de 10j, nous avons 1j d’ateliers cumulés pour 9j de « production ». Soit un très bon ratio de seulement 10% consacré à l’organisation.
Jean-Marc LEGLISE, CTO.
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