Marché IT sous tension : se lancer et faire durer son activité
Nous poursuivons notre série d’interviews de membres de la plateforme Free-Work pour partager leur parcours et leur retour d’expérience dans la tech. Après les interviews de Yohann Haddad et de Yaël Cheenne, Yann Klein a répondu à notre invitation.
Ce n’était pas prévu : il avait toujours envisagé sa carrière en CDI dans les métiers de l’informatique et du back-office. Puis, finalement, le choix de l’indépendance s’est imposé par hasard en 2019, et depuis, Yann enchaîne les missions de 6 mois à 3 ans. Il nous raconte comment il a démarré et ce qui lui paraît essentiel de développer pour réussir en tant qu’indépendant sur le long terme.
Comment vous définissez-vous aujourd’hui ?
Je me considère comme un travailleur indépendant : je ne suis ni entrepreneur, ni investisseur. Après quinze années en CDI dans l’informatique et la gestion de back-office, et souhaitant poursuivre sur mon cheminement de salarié engagé, j’ai finalement opté, en 2019, pour ce statut de freelance – je l’avoue, un peu par hasard ! Ma vie a complètement changé depuis ; je ne gagne pas forcément beaucoup plus, mais ma vie est plus agréable ! Je travaille moins, chaque moment est plus intense, et j’ai davantage de temps de vacances et de vie de famille, notamment tous les mercredis avec mes filles.
On peut devenir freelance par hasard !
Par hasard ? C’est-à-dire ?
Disons que l’idée de travailler à mon compte ne m’avait jamais traversé l’esprit. Je me suis retrouvé au chômage et, en discutant avec une proche, j’ai compris que, pour avoir le moins de comptes à rendre à Pôle Emploi de l’époque, il valait mieux déclarer mon souhait de créer mon entreprise. Ce que j’ai fait, et au fur et à mesure des formations proposées par France Travail, je me suis pris au jeu ! J’ai découvert un univers que je ne connaissais pas, et cela m’a plu ! J’ai donc arrêté mes recherches de CDI et je me suis lancé !
Comment vous y êtes-vous pris au début ?
En toute simplicité ! L’accompagnement a été très efficace, merci à France Travail pour les formations. J’étais également un fervent lecteur de Free-Work : les discussions sur les forums et les articles m’ont beaucoup aidé à cerner le sujet, à bien me questionner, et à mieux comprendre dans quoi je m’engageais. C’est d’ailleurs pour cela qu’aujourd’hui j’ai accepté votre invitation ; j’ai à cœur de redonner aujourd’hui ce que d’autres ont fait pour moi lors de ce tournant ! Pour démarrer, j’ai croisé mes besoins avec les taux journaliers du marché. L’équilibre se jouait à 180 jours facturés pour un TJM de 600 euros. La période de chômage de 23 mois en 2019 m’a permis de mettre de côté un an de rémunération et ainsi de pouvoir être serein au moment de l’envol.
Il est crucial de se sentir appartenir à une communauté de pairs et d’homologues.
Quels sont tes conseils, tes astuces pour gagner des missions ?
Cela fait six ans que j’opère sans carte de visite ni site web. J’ai enchaîné des missions de 6 mois à 3 ans. Je fonctionne grâce à mon réseau et au bouche-à-oreille. Je donne aussi des cours dans une école d’ingénieurs et je m’investis sur le forum de Free-Work. Je renforce mon implication au sein de collectifs d’indépendants et d’entrepreneurs, notamment le collectif « Office Lab », spécialisé dans le back-office (office manager, DAF, RH, etc.). Je m’inspire des bonnes pratiques. Depuis un mois et demi, je suis membre d’un réseau d’entrepreneurs locaux, dans le Val-de-Marne où je réside : « Vivre et entreprendre », une autre façon de se rendre visible auprès de cibles potentielles.
Aux freelances qui se lancent aujourd'hui, quelles sont vos recommandations ?
En période de crise, il est essentiel de s’entourer et de réseauter. Il y a 4 ou 5 ans, il y avait du travail à foison. Aujourd’hui, les offres se sont réduites, tandis que la population d’indépendants a augmenté. C’est beaucoup plus difficile. Ce qui a marché pour moi, c'est de saisir les opportunités de travailler avec d'anciens collaborateurs. J’ai également été recommandé par ces mêmes personnes… Quand je fais le point, je me rends compte que toutes les missions que j’ai eues n’ont jamais fait l’objet d’une annonce. Par ailleurs, pour faire durer son activité, il est fondamental de connaître sa singularité : qu’avez-vous de plus qu’une autre personne ? Je sais que je suis apprécié, car au-delà de bien faire mon travail, je suis un pédagogue passionné, capable de faire dialoguer les métiers et la technique, ce qui est très précieux comme compétence dans une organisation ! Ma réussite vient aussi probablement du fait que j’ai plusieurs cordes à mon arc. J’ai eu l’occasion de développer mes compétences en gestion de projet, en production, en qualification de logiciels, en maîtrise d’ouvrage, en exploitation et en gestion de services. Je conseillerais donc à tout indépendant de diversifier ses activités.
Connaître sa singularité, diversifier son réseau et ses offres.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton style de vie actuel ?
Pouvoir me dégager du temps pour les activités que je souhaite : profiter de ma famille régulièrement, m’investir en tant que parent d’élève très actif au sein de l’école de mes enfants et être membre du conseil de développement de la métropole du Grand Paris pour participer à la démocratie participative. Autant d’activités bénévoles que je n’aurais pu accomplir si j’étais resté salarié.
Un mot de conclusion ?
Devenir indépendant, ce n’est pas un choix à faire par effet de mode ou par appât du gain. C’est quitter le confort du salariat, calculer ses besoins, développer son réseau et affirmer la singularité de sa valeur.
Interview de Yaël Cheenne par Caroline Loisel.
Elle est solopreneure depuis 11 ans : conférencière, podcasteuse et auteure sur la qualité des relations humaines et les usages des technologies.
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